THierry Ehrmann
L'industrie du troisième millénaire

  in Le Monde , 19 avril 2001, HORIZONS Portrait, première de couverture.

 

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Le provocateur du Net

Marx, Lénine, Mao. On ne s’attend pas à les croiser dans l’antichambre de la nouvelle économie. Pourtant, leurs portraits sont là, dans le hall d’Artprice.com, une start-up française cotée en Bourse depuis un an. Etrange comité d’accueil dans la révolution de l’Internet ! Mais aux yeux de Thierry Ehrmann, le patron de Groupe Serveur, propriétaire à 60 % d’Artprice.com, ces trois-là font référence. Bien plus que Bill Gates ou Steve Jobs. S’il fallait un Américain, ce serait Malcolm X, immortalisé sous verre lui aussi.
Sur les murs de cette entreprise installée à Saint-Romain-au-Mont-d’Or, dans la banlieue lyonnaise, le message est clair : il ne faut pas se tromper de révolution. Celle de l’Internet n’est ni économique ni technologique, mais « philosophique », affirme Thierry Ehrmann. Inconnu du grand public, ce Lyonnais de trente-huit ans est devenu un acteur indiscutable de la nouvelle économie, tout en affichant un discours provocateur à hérisser le poil de plus d’un incubateur en baskets. « L’Internet est le fils naturel de Proudhon et de Bakounine, aime-t-il répéter. Il est anarchiste au sens sociologique puisqu’il fait émerger un cybercitoyen capable de répondre à l’arrogance des multinationales. Et il est marxiste du point de vue économique, c’est pourquoi beaucoup de grands groupes ne le comprennent pas. »
A-t-il servi ce discours à Bernard Arnault quand il l’a sollicité pour prendre 17 % d’Artprice.com, juste avant de l’introduire au Nouveau Marché, en janvier 2000 ? Quoi qu’il en soit, le patron de LVMH ne s’est pas enfui en courant. « Il a craché 50 millions de francs pour un simple strapontin au tour de table », commente un analyste admiratif du talent de persuasion de Thierry Ehrmann. Celui-ci ne manque pas d’arguments ni d’aplomb. Il s’est enrichi grâce à la nouvelle économie, mais on est prié de ne pas le confondre avec un simple créateur de start-up : « cela me met hors de moi, dit-il. La nouvelle économie a vingt ans. » Sous-entendu : « Et je fais partie des pionniers ».
Bluff ou vraie réussite ? En tout cas, le Groupe Serveur, qu’il a fondé en 1987, commence à peser lourd : treize filiales, dont deux cotées, et une dizaine de participations minoritaires. Il emploie près de 350 personnes de par le monde (plus de 400 fin 2001) pour un chiffre d’affaires affiché de 480 millions de francs. Thierry Ehrmann est propriétaire à 95 % de ce groupe, qui a prospéré en toute discrétion, mais surtout en pleine indépendance. Aucune banque ne figure au tour de table de Groupe Serveur, qui s’enorgueillit de 598 millions de francs de fonds propres.
La crise des valeurs Internet ne l’inquiète pas. Certes, reconnaît Louis Thannberger, le patron de la société EFI, qui a introduit Artprice.com en Bourse, « il a été happé comme les autres par le krach, mais il sera un des rares à remonter la pente et, dans trois ans, il sera au zénith. C’est un futur grand ». En décembre dernier, en pleine déprime boursière, EFI a aussi introduit sans coup férir au Nouveau Marché une autre filiale de Groupe Serveur, spécialisée dans la traçabilité. Et Thierry Ehrmann prépare, d’ici à fin 2001, l’introduction de son groupe tout entier, dont le périmètre pourrait être porté à plus de 1 milliard de francs par échanges d’actions.

Jean-Jacques Bozonnet
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